Ils étaient très nombreux, hier matin, les femmes et les hommes se reconnaissant à travers le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) à se retrouver sur la placette faite en terre battue où se dresse une sorte de monument en forme pyramidale, en guise de témoin de la célèbre bataille d’Icherrithène, bataille qui opposa en cette funeste journée du 24 juin I857 les 30.000 hommes du maréchal Randon(nom complet : Jacques Louis César Alexandre Randon) aux 27.000 autres de Fadhma N’Soumeur. C’est au cours de cette bataille que le sort de la Kabylie fut scellé.
En effet, l’issue de cette confrontation sanglante mit fin à l’indépendance de la Kabylie ; indépendance plusieurs fois millénaire. Est-ce que les mots « mit fin » sont justes ? Certainement faux ! Car la victoire du Général Randon et de ses 30.000 hommes ainsi que la France jacobine et coloniale qu’ils représentaient n’ont réussi en vérité qu’à interrompre l’indépendance de la Kabylie.
En effet, l’important regroupement de la famille militante et patriotique du MAK sur ces mêmes lieux où se déroula cette bataille, il y a I58 ans de cela, était porteur d’un message : la renaissance de l’indépendance de la Kabylie, et, par conséquent, la nullité des dividendes tirés de la suprématie militaire des hommes du maréchal Randon sur ceux de Fadhma N’Soumeur. La fin du jacobinisme français en Kabylie a été traduite par le lever des couleurs nationales kabyles.
Sur cette placette en terre battue qu’un vent glacial n’arrêtait de balayer, les vaillants militants et patriotes du MAK ont commencé par dresser le poteau, celui-là qui devait servir de support pour hisser le drapeau. Le creusage de la fouille fut fait en quelques instants seulement tant beaucoup de mains mâles et vigoureuses s’emparèrent de la pioche et la pelle. Normal que les garçons de Kabylie soient nombreux à exécuter ce travail noble puisque l’histoire ne peut qu’inscrire ce geste sur ses pages. Une fois le poteau dressé, car solidement immobilisé à sa base par le béton, vint le moment tant attendu : le lever du drapeau ; geste qui mit fin à plus d’un siècle et demi d’humiliation.
C’est sous l’hymne national kabyle que le drapeau fut hissé par deux femmes. Le choix de ces femmes à hisser le drapeau ne fut pas fortuit, car il a obéi à la logique selon lequel l’étendard de Fadhma N’Soumeur que la France coloniale brisa fut enfin ressoudé.
Une fois le drapeau hissé sous l’écoute de l’hymne national, Rachida Ider, l’une des deux femmes à hisser le drapeau, se fit faire répéter par la nombreuse assistance le serment de la fidélité au drapeau kabyle. Après chaque phrase prononcée par Rachida, les hommes et les femmes qui l’entouraient la répétaient en chœur.
Cette cérémonie de la levée des couleurs fut également traduite par l’observation d’une minute de silence à la mémoire de tous les martyrs kabyles dont celles et ceux qui ont rendu l’âme au cours de cette sanglante bataille du 24 juin I857.
Il est à relever également l’incontournable prise de parole. C’est Bouaziz Aït-Chebib qui, en sa qualité de président du MAK, prendra la parole le premier. L’homme ne sera pas prolixe dans son intervention, contrairement à ses habitudes. En effet, le Premier responsable du MAK rappellera seulement les effets négatifs de cette bataille d’Icherrithène produits sur la Kabylie et la ténacité du peuple kabyle à retrouver sa liberté longtemps bafouée. Il mettra également l’accent sur le choix de cette journée du 27 avril. C’est bel et bien effectivement le 27 avril 20I4 que le MAK a eu sa revanche sur le pouvoir en organisant une marche mémorable à Tizi-Ouzou puisque celle de la semaine d’avant, laquelle devait porter sur la commémoration du 34èmePrintemps kabyle, a été férocement réprimée par les hordes sauvages dépêchées spécialement à cet effet à Tizi-Ouzou par le pouvoir islamo-baâthiste d’Alger et non moins digne héritier du maréchal Randon en matière d’absence de toute valeur morale. Bouaziz Aït-Chebib rendra, par ailleurs, un vibrant hommage à toutes les forces kabyles, armées d’honneur et de volonté, pour faire retrouver à leur peuple sa place qu’il mérite dans ce monde.
Le deuxième à intervenir est Mohand-Ouamar Hachim. Ce cadre et militant du MAK dira tout de go qu’étant les besoins de géopolitique vont à un rythme rapide et que c’est dans cette réalité que l’Algérie risque de subir ce qu’ont subi déjà l’Irak et la Syrie. En homme sûr de lui, Mohand-Ouamar Hachim lancera un appel aux jeunes kabyles de « refuser de mourir pour le compte des Arabes ». « Si les jeunes Kabyles doivent mourir, ils ne mouront que pour la Kabylie », conclut-il.
Hocine Azem dira quant à lui qu’ « aujourd’hui c’est un grand jour ; c’est un grand jour car c’est aujourd’hui que nous retrouvons notre souveraineté nationale ».
Le quatrième à intervenir est un militant du MAK répondant à l’appellation de M’henna Hallit. Ce militant, dont l’érudition est certaine, mettra l’accent sur la personnalité de Fadhma N’Soumeur et les aspects ayant directement trait à cette bataille d’Icherrithène. C’est M’henna Hallit qui apprendra effectivement à l’assistance que le maréchal Randon était parti d’Alger à la tête de 30.000 hommes le I9 mai I857. Fadhma N’Soumeur, en ce la concerne, a réussi à réunir autour d’elle 27.000 hommes. Le 24 juin de la même année eut lieu la confrontation. La suite est connue. Les troupes d’invasion françaises, mieux armées, mieux assurées logistiquement et certainement maîtrisant beaucoup mieux que les guerriers kabyles la science de la guerre ont réussi à dire le dernier mot à Icherrithène.